Aucun doute, Septime est branché : le quartier, de ce côté bastillais de la rue de Charonne, est animé tard en soirée, à la limite du grunge. Très bonne table, Rino, à quelques centaines de mètres, rue Trousseau, sympathique vienamien, Hanoï Café sur le même trottoir, un vrai corse, La Main d’Or, dans le passage éponyme et des dizaines de cafés bien achalandés, terrasses, comme Pause Café. Preuve indiscutable de branchitude, Miss Météo de Canal + habite à deux pas. Intérieur visible de la rue, ultra-contemporain, design confortable. La cuisine ouverte donne sur deux petites pièces séparées par une cloison vitrée et un bar dans l’entrée. Au passe, Bertrand Grébaut peut voir et être vu. Pas évident pour ce grand timide qui devait faire un effort pour sortir de sa cuisine de l’Agapé, dont il fut le chef initial. Après une année sabbatique, il s’est lancé avec un copain en salle. Son style de cuisine n’a pas changé : sans copier son initiateur à l’Arpège, il cultive un ton décalé, une dominante de légèreté qui lui ressemblent. Véritablement diététique, de l’entrée au dessert. Le pain, excellent, vient d’un bon boulanger du 12ème, Vermeersch. Le vin vient de partout, des meilleurs vignerons, ceux qu’apprécient les amoureux de la nature : Xavier Caillard (Jardins Esméraldins, Saumur), Frank Cornelissen (Etna, Sicile), Frédéric Cossard (Domaine de Chassorney, Saint-Romain), Dominik Hubert (Terroir al Limit, Priorat), Emmanuel Lassaigne (Champagne), Maxime Magnon (Corbières), Laurence Manya Krief (Yoyo, Côte Vermeille), Jean-François Nicq (Les Foulars rouges, Roussillon), Eric Pfifferling (L’Anglore, Tavel), Nicolas Vauthier (Vini Viti Vici, Yonne)… liste évidemment non exhaustive, sans parler des énormes Dames Jeanne où l’on vient tirer des verres. Nous avons éclusé le bon Pinot blanc de Patrick Meyer, Les Pierres Chaudes 2009, on ne peut plus Alsace libre (28 euros) ; entamée à midi, la bouteille nous a fait la fin du dîner… avant d’en ouvrir une autre, de la Loire, en compagnie d’un des meilleurs bistrotiers de Paris, Gilles Bénard, immortel créateur de Ramulaud, des Zingots et de Quedubon, maintenant légué à ses fils dans le 19ème : l’Epastillant des Jousset. Des verres de qualité, alignés en masse sur la réserve du comptoir, sont parfaits pour bien déguster. Service attentif, enjoué et intelligent, sans la moindre trace de morgue ou de la désinvolture qui fleurit dans les établissements en vogue (noms sur demande). J’ai d’abord goûté les petites asperges sauce gribiche en entrée, un verre de cidre, puis un poulet jaune succulent au déjeuner. Le soir, une belle assiette de jambon italien tendre, gras et fondant, en gros amuse-bouche, avant un magnifique Saint-Pierre. Pour finir, demander les quenelles de glace turbinées au moment (elles ne figurent pas sur la carte) : la menthe poivrée et la mélisse sont sublimes. En fermant les yeux, on se croirait revenu aux jours de gloire de l’Arpège. En ouvrant les oreilles, on parvient à distinguer quelques conversations, malheureusement perdues dans un brouhaha trop bruyant pour les âmes sensibles, dans une atmosphère de cocktail et de fiesta. Les carafes coulent, certaines roucoulent. A des kilomètres de l’Agapé, où nous gardons toujours nos habitudes pour les déjeuners et les dîners gastronomiques, dans un cadre plus calme, le chic, ici, ne réside pas dans le feutré, ni dans le couteau gravé aux initiales des habitués. C’est un strapontin à la grande table d’hôte, bien épaisse, qui donne envie d’y graver ses initiales avec l’économe, comme nous étions tentés de le faire autrefois à l’école primaire, pour avoir sa place réservée comme d’autres ont eu leur plaque à une table de la Closerie des Lilas. Revers de cette belle médaille : on s’achemine rapidement vers une période de plusieurs mois d’accès difficile avec des files d’attente dignes de celles de l’Astrance ou du Comptoir de l’Odéon.
Septime, 80 rue de Charonne 75011 Paris, 01 43 67 38 29
Métro Bastille / Ledru Rollin Menus : 25 (déj) 55 (Carte Blanche au dîner).
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